L’actualité du vin vue par

Le vin et l’art : une relation passionnée et passionnelle

Sommaire

« L’homme a créé le vin, il y a bien longtemps, à partir du fruit de la vigne et il a été si fier de son invention qu’il en a fait non seulement une partie importante de son alimentation, mais qu’il l’a intégré dans sa religion, ses traditions, ses plaisirs et même sa culture » disait Michel Bouvier.  En effet, depuis l’Antiquité la rencontre entre la viticulture et l’art, l’homme n’a cessé de rendre hommage à cet élixir des dieux. 

En Europe occidentale, grâce à Dionysos et ses Mystères, le vin est même une des origines du théâtre et des arts oratoires. Par ailleurs, le vin est étroitement lié à l’art non seulement en ce qu’il y est représenté, mais également en ce qu’il est consommé par les artistes, et qu’il les inspire depuis des millénaires.

(J’imagine qu’il est inutile de le préciser, mais dans un souci de concision, nous nous concentrons sur l’Europe occidentale dans cet article).

Le vin et l’art dans l’Antiquité

 

Les premiers liens entre le vin et l’art se nouent vers le Vème-VIème siècle avant J.-C. via la poterie et la céramique, notamment en Grèce et en Rome antique. En effet, les jarres et amphores, qui étaient les contenant utilisés à l’époque pour entreposer, transporter et servir le vin, ont commencé à être accompagnées d’illustrations mettant en scène des hommes ou des dieux interagissant avec du vin. Le vin était souvent présenté comme un liquide fournissant de nombreuses vertus, physiques comme morales. On retrouvera ensuite de nombreuses représentations artistiques du vin, toujours sur les amphores et jarres le contenant, ainsi que sur les nombreuses mosaïques qui colorent les pavillons romains et les fresques retrouvées en Grande-Grèce. On pense notamment à la Fresque de la Tombe du Plongeur datée de 480-470 av J.-C. retrouvée à Paestum. Cette dernière représente en partie des hommes dégustant du vin et s’offrant entre eux des coupes de ce liquide.

Légende : Détail de fresque de la Grèce antique à Paestum, en Italie. « Tombe du plongeur » (© Adobe Stock – Peuceta)

 

Bien entendu, le vin dans l’Antiquité c’est aussi et surtout Dionysis et tout l’univers qu’il y a autour. Dans la mythologie grecque, Dionysos (Bacchus dans la mythologie romaine) est le dieu du vin, de la vigne et de ses excès. C’est un des dieux les plus importants de la mythologie grecque tant il a fasciné les populations, à tel point que la tragédie grecque, mère du théâtre, prend ses racines dans le culte rendu à Dionysos et au vin. En effet, dans la Grèce Antique, le tyran Pisistrate inaugure entre -535 et -532 les premières Dionysies, une fête annuelle censée rendre hommage à Dionysos et au vin. Durant ces fêtes, on retrouve les premiers concours tragiques et comiques, le tout suivi (ou précédé) de grandes fêtes populaires durant lesquelles le vin devait certainement couler à flots. À partir de cette époque, la tragédie grecque a commencé à naître et se développer, ce qui inspirera tous les plus grands dramaturges de notre histoire (Corneille, Racine, Shakespeare, Jean Anouilh…).

Légende : Gravure victorienne du théâtre de Dionysos à Athènes (© Adobe Stock – Antiqueimages)

 

Enfin, comment parler de vin sans évoquer la Bible ? Même les plus athées d’entre vous connaissent ces paroles de Jésus citées dans le Nouveau Testament «Buvez-en tous, car ceci est mon sang» (Matthieu 26, 26-29) à propos d’une coupe de vin durant son dernier repas avec les douze apôtres le soir du Jeudi saint. Vous n’êtes pas non plus étrangers aux miracles de Jésus durant lesquels il transforme l’eau en vin. En tout, la Bible citera le terme de vin 443 fois, l’utilisant la plupart du temps pour évoquer l’allégresse, la fraternité et bien entendu l’ivresse. La littérature chrétienne, ainsi que les iconographies (tableaux, gravures, fresques, vitraux…) en seront grandement impactées et nombre d’entre elles feront référence au délicieux nectar qu’est le vin. Par ailleurs, les arts rituels chrétiens seront très vite rythmés par l’ingurgitation de vin liturgique par le membre du clergé officiant durant la messe… et par les fidèles présents jusqu’au XIIIème siècle !

Le vin et l’art du Moyen Âge à la Révolution française

 

Suite à la chute de l’Empire Romain, ce sont le clergé et ses monastères qui vont relancer la viticulture dans une démarche eucharistique (production du vin de messe et travail agricole des moines). Ces mêmes religions ont été durant tout le Moyen-Âge de considérables producteurs d’arts (littérature, enluminures, vitraux, bas reliefs, sculpture, peintures, construction de bâtiments sacrés…). Sans surprise, c’est dans ces formes d’arts aussi nombreuses que diverses que le vin va être mis à l’honneur et représenté sous tous ses angles : vin de messe, liturgie, célébrations religieuses comme les baptêmes, sacres des rois de France, viticulture, vinification, service lors des banquets…

 

Par ailleurs, durant le Moyen-Âge, si le vin revêt un certain caractère sacré, il est également consacré en tant qu’oeuvre d’art, tant en raison de sa production nécessitant un savoir-faire très précis, que de son goût divin et de la sensation d’ivresse qu’il procure à ceux qui le boivent. Dès lors, lorsque des personnages de renom sont de passage dans une ville, c’est à l’évêque local de se charger d’offrir parmi les meilleurs crus de la région à l’invité. C’est cette fascination du clergé français pour les vignes épiscopales qui permettra à la culture de continuer à se développer en France, alors même qu’elle recule dans toute l’Europe. 

 

Lorsque la poésie prend le relais de la littérature chevaleresque du haut Moyen-Âge, la représentation du vin s’accentue encore dans les arts descriptifs moyen-âgeux (littérature, art lyrique…). Je pense notamment à François Villon, le premier des poètes maudits, qui, dès le XVème siècle verra son art lyrique fortement imprégné par l’influence du vin. On notera les vers suivants :  « Tout aux tavernes et aux filles » (Le Testament) et « Vin perd maintes raisons » (Le Grand Testament de François Villon). Bien entendu, ce ne fut pas le seul, et nous pouvons également citer François Rabelais qui, même s’il n’était pas un poète maudit, ne manquait pas de vanter les mérites du vin : « Boire est le propre de l’homme, boire vin bon et frais, et de vin, divin on devient » ou encore « Le vin est ce qu’il y a de plus civilisé au monde ». Cette considération qu’ont ces auteurs pour le vin nous fait évidemment penser au culte que vouaient les Grecs à Dionysos (et les Romains à Bacchus).

 

Durant la Renaissance, grâce à la découverte du nouveau monde, la révolution des manières de penser, le renouveau artistique avec l’introduction de la perspective et le retour du modèle greco-romain à Florence, Médicis, Venise (…), les représentations artistiques du vin prennent un autre angle. Il est moins question de représenter le vin sous son angle divin ou éclesiastique, mais plutôt en raison de l’ivresse et de la volupté qu’il procure à ses consommateurs. En effet, lorsque le Caravage peint Bacchus dans les années 1590, on ne remarque pas tant le caractère sacré du dieu du vin, mais plutôt la nature morte qui caractérise cette scène naturaliste, symbolisant le passage du temps (les fruits et les fleurs présents dans le champ) et l’évanescence des plaisir sensuels (corps dénudé et verre de vin tenu du bout des doigts tel un trophée).

Détail de Bacchus par Le Caravage, huile sur toile, (1597-98). Uffizi galleries, Florence, Italy

 

Le vin et l’art à partir durant notre époque contemporaine

 

L’entrée dans l’époque contemporaine se situe entre la Révolution française et la chute de l’empire napoléonien. Par ailleurs, elle coïncide bien avec l’arrivée progressive de la Révolution industrielle. Cette période de grands bouleversements sociaux, économiques et culturels a vu la résurgence d’un courant artistique : les poètes maudits. Ici, je parle évidemment de Charles Baudelaire, Paul Verlaine, Arthur Rimbaud, Gérard de Nerval, Thomas Chatterton, Edgar Allan Poe… En proie à un spleen parisien les rendant tristement malheureux au point d’en tirer une inspiration artistique des plus noires et abondantes, ces artistes ont introduit dans leur vie les psychotropes et l’alcool, dont le vin qui se consommait le plus facilement. La symbolisation de cet état d’esprit se retrouve dans le tableau d’Henri Fantin-Latour : Les poètes maudits (1872). Il représente ces poètes, chevelus et barbus, l’air vide, attablés autour d’une carafe de vin, l’élixir de prédilection de ces personnalités torturées. Comme le disait Arthur Rimbaud « La seule chose insupportable, c’est que rien n’est supportable », à cette image, les gens malheureux s’adonnent souvent à la boisson et aux breuvages enivrants pour oublier leurs malheurs.

 

Changeons de ton, et revenons dans un thème un peu plus joyeux. Grâce aux avancées technologiques et à l’amélioration du packaging des bouteilles de vins à partir du XXème siècle, certains châteaux ont fait le choix de transformer leurs étiquettes en véritables œuvres d’art. Par exemple, depuis 1945, le château Mouton Rothschild fait réaliser ses étiquettes par des artistes (ou des personnalités culturelles reconnues) afin d’immortaliser chaque millésime. On retrouve ainsi des collaborations avec Jean Cocteau (1947), Salvador Dali (1958), Pablo Picasso (1973), Françis Bacon (1990) ou encore Jeff Koons (2010). Nous pouvons également penser au domaine Trévallon, fondé par Eloi Durrbach, dont les parents étaient des artistes et des proches de Picasso. Ayant demandé à son père de réaliser une cinquantaine d’étiquettes mettant en scène des formes géométriques de couleurs différentes (bleu, rouge, jaune, vert), Eloi Durrbach a depuis 1996 commercialisé uniquement des bouteilles sous ces étiquettes artistiques (il est relayé par ses enfants depuis sa disparition il y a quelques semaines).

 

Par ailleurs, aujourd’hui, les vignobles sont des lieux d’exposition artistique, dans tout leur genre. De nombreux domaines (grands et petits) sont par exemple des lieux d’expressions architecturales qui laissent s’épanouir en plein milieu des vignes et de la nature des bâtiments aux formes courbées et artistiques qui réalisent une harmonie aussi singulière qu’inspirante. Ainsi, on a vu s’ériger dans les années 1990 une maison bulle bioclimatique dans Crozes-Hermitage, une création artistique qui allie tradition et modernité en plein milieu des vignes dans ce prestigieux terroir. Cette maison est un enchevêtrement de bulles en matériaux composites que l’on peut enlever ou remettre en place à sa guise. Dans un autre registre, certains châteaux, comme le château Cheval Blanc, ont décidé d’utiliser le lieu de vinification lui-même, le chai, pour s’adonner à une expression artistique novatrice. Ainsi, le chai de Cheval Blanc, réalisé par Christian de Portzampare en 2011, allie des formes courbes et de belles profondeurs dans un ensemble blanc neige, surplombé d’un toit très végétal. Vu du ciel, on croirait voir l’un des vaisseaux du prochain chapitre de Dune, alors qu’on se situe bel et bien sur les terres de l’un des Grand cru classé de Saint-Emilion, fondé au XVème siècle. Bref, encore une fois une œuvre d’art qui sacralise l’harmonie entre tradition et modernité (vous l’aurez vu, la boucle est bouclée, on en revient à cette idée de sacré).

© Photo de couverture : GiorgioMorara – Stock Adobe

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