Sommaire
Le vin de garage ne désigne pas uniquement un vin vinifié chez soi, dans un garage et à l’aide de moyens rudimentaires. Plus que des expérimentations, le vin de garage fait également l’objet d’un véritable mouvement viticole.
Un mouvement qui a été lancé à Bordeaux
Berceau des grands vins français, le vignoble bordelais a vu naître le mouvement des vins de garage au début des années 1990 notamment à Saint-Emilion.
L’objectif pour les vignerons était de produire en très petite quantité et sur de très petites surfaces, des vins d’une extrême qualité.
C’est le fait que la production de ce type de vin pouvait tenir dans un garage ou avait lieu dans un garage qui est à l’origine de ce surnom.
Remarqués, notés et plébiscités par Robert Parker, ces vins ont rapidement bénéficié d’une immense notoriété et d’une très forte demande. Ils étaient particulièrement prisés car capables de concurrencer les grands crus classés de Bordeaux.
À Bordeaux, les grands vins sortent en effet généralement des caves des châteaux à la renommée confortablement établie et aux ressources inépuisables.
Les micro-domaines ont donc voulu créer des vins d’exception en production hautement limitée avec leurs propres moyens et en mettant l’accent sur une vinification extrêmement précise. Dans les vignes comme au chai, le travail était particulièrement minutieux. La taille et l’effeuillage font l’objet d’un grand soin. La vendange est faite à la main et les baies, sélectionnées parmi les meilleures parcelles, sont méticuleusement triées à plusieurs reprises afin de n’utiliser que des raisins parfaitement mûrs et sains pour une vinification exacte et rigoureuse.
Les premiers vins de garage
Le mythique vin du Château Le Pin à Pomerol est considéré comme le vin de garage originel. Le vigneron Jacques Thienpont, dont on dit qu’il est le pionnier des grands vins de garage, a créé cette micro-cuvée confidentielle en 1979. Elle compte parmi les plus chères et les plus recherchées de Bordeaux.
Celui qui donne l’impulsion au mouvement, c’est Jean-Luc Thunevin à Saint-Emilion. Au début des années 1990, il élabore la cuvée Château Valandraud. Il explique au magazine Sommeliers International : “Nous avons simplement appliqué aux 1,20 hectares les méthodes des grands châteaux“. L’expression “vin de garage” aurait d’ailleurs été utilisée pour la première fois par Florence Cathiard du Château Smith Haut Lafitte lorsqu’elle rendit visite au domaine.
Le mouvement prend de l’ampleur et le prix des vins de garage va même jusqu’à dépasser ceux des grands crus classés de Saint-Emilion comme Cheval Blanc et Pétrus.
On peut citer parmi les vins de garage “originels” les Châteaux Le Tertre Roteboeuf, Gracia, Château, Rol-Valentin en Saint-Émilion, le Château Marojallia en Margaux, et bien d’autres encore…
Et aujourd’hui ?
Une véritable révolution a eu lieu à Bordeaux : les vignobles les plus éminents comme les émergents se sont inspirés des vins de garage pour élaborer leurs cuvées.
Il semblerait aujourd’hui que seuls les meilleurs vins de garage subsistent à Bordeaux, la plupart ayant accédé au rang de Premier Grand Cru classé de Saint Emilion.
Par extension, l’expression vin de garage s’applique désormais souvent aux micro-cuvées d’exception produites en quantités limitées par les vignerons, les garages ayant maintenant fait place aux chais.
On peut notamment mentionner les cuvées Château Croix de Labrie et Clos du Canton des Ormeaux à Saint Emilion.
Le Château Croix de Labrie s’étend sur moins de 6 hectares de vignes conduites en agriculture biologique et en biodynamie. Axelle et Pierre Courdurié ont repris le domaine en 2013. Axelle, vigneronne du château, a le souci du détail : travaux verts dans les vignes, vinification parcellaire et précise et rendements très limités.
Avec ses 27 ares, le Clos du Canton des Ormeaux est le plus petit cru de Pomerol. Olivier Cazenave a repris le Château de Bel en 2005 où il confectionne cette cuvée élégante et expressive, entièrement vinifiée à la main.
La mode du vin de garage s’est exportée au-delà des frontières de Bordeaux, en France comme à l’étranger, bien qu’elle s’essouffle depuis quelques années.
Au même moment en Californie, dans les années 1990, de nombreux vignerons récemment installés commencent à produire ce que l’on appellera les “cult wines”, des vins d’exception dont les méthodes de culture et de vinification peuvent s’apparenter aux vins de garage du Bordelais.
On pense par exemple au remarquable domaine Sine Qua Non créé par Manfred Krankl ou au légendaire vignoble Screaming Eagle.