Sommaire
Pierre Desproges parlait du Château Figeac 1971 comme d’un vin « Introuvable. Sublime. Rouge et doré comme peu de couchers de soleil. Profond comme un la mineur de contrebasse. Éclatant en orgasme au soleil. Plus long en bouche qu’un final de Verdi. Un vin si grand que Dieu existe à sa seule vue. »
Si nous ne remontons pas aujourd’hui jusqu’à 71 et que nous parlons de l’appellation dans son ensemble et non d’un domaine précis, vous pouvez quand même retrouver ici les meilleurs millésimes qui ont marqué les années 2000 dans la région de Saint-Emilion.
2016, l’excellente suite de 2015
L’année 2016 aurait pu être catastrophique pour le vignoble de Saint-Emilion (et d’ailleurs). L’enchaînement des conditions météorologiques extrêmes a inquiété, cette année-là, plus d’un vigneron.
Car 2016 débute par un hiver plutôt doux, mais bien pluvieux. Il tombe à ce moment-là bien trop de pluie sur le vignoble. L’humidité inquiète et les maladies menacent. Heureusement, dès juin, au tout début de l’été, une grosse chaleur s’installe et elle tombe à pic. Cette sécheresse va permettre d’équilibrer les eaux du début d’année.
Seulement les épisodes caniculaires s’enchaînent, et inverse la tendance, en menaçant les vignes d’un trop grand stress hydrique. C’est finalement le mois de septembre qui va aider les producteurs à pousser un grand soupir de soulagement, en accueillant deux jours de pluies qui font revivre la vigne après ce coup de chaud.
A Saint-Emilion, en résulte un millésime historique, offrant des raisins aux tanins et à la maturité exceptionnels. Beaucoup le comparent très vite à 2015, déjà très grand millésime pour la région, et l’annoncent comme supérieur.
Les vins de l’appellation sont homogènes, offrant un bel équilibre, de la densité tout en restant précis. 2016 se veut plus frais et plus élégant que 2015 qui, même si déjà très beau, se voulait assez puissant et solaire. C’est une excellente année pour Saint-Emilion, qui pourra bien sûr être attendue encore quelques années.
2009 et 2010, le couple historique
S’il ne fallait choisir qu’un seul millésime, serait-ce l’un de ces deux ? Probablement. Incontestablement réussi à Bordeaux, le millésime 2009 a ensuite laissé place à un 2010 tout aussi qualitatif, entraînant la naissance d’un enchaînement de deux années marquant la décennie.
Grâce à une météo clémente et ensoleillée sur la moitié de l’année, 2009 offre des raisins bien concentrés en couleur et en arômes et un superbe équilibre entre alcool et acidité grâce à des vendanges maîtrisées et des raisins à maturité.
Les vins du millésime 2009 sont à Saint-Emilion délicieux dès leur sortie tout en possédant un beau potentiel de garde. Les Merlot sont légèrement plus chargés en alcool que les Cabernet Franc et Cabernet Sauvignon, qui eux sont parfaitement équilibrés.
2010 arrive ensuite juste derrière et surprend tout le monde en étant encore meilleur que 2009. C’est l’un des plus grands millésimes de la région de Bordeaux et Saint-Emilion n’y fait pas exception.
Contrairement à l’année précédente, 2010 est par contre jugée d’office comme une année de garde. Les tanins bien présents et l’aromatique discret ne permettent pas d’apprécier les vins dans leur jeunesse. Certains diront d’ailleurs que sur beaucoup de vins les tanins trop serrés seraient irrécupérables par la suite. Qu’en est-il aujourd’hui, 10 ans plus tard ? Les vins semblent un peu inégaux aujourd’hui, certains Saint-Emilion à base de Merlot révélant des notes un peu trop cuites, et d’autres restant encore trop fermés.
2005, millésime d’exception
2005 est en France l’une des années considérées comme « millésime du siècle ». Toutes les régions l’encensent et les vins qui en résultent sont tous plus qualitatifs les uns que les autres, que l’on soit dans la Vallée du Rhône, la Bourgogne ou à Bordeaux. Les conditions météorologiques de cette année-là ont réussi à tous les cépages, et le Merlot, majoritaire à Saint-Emilion ne fait pas exception.
Ensoleillement, chaleur présente mais modérée, un peu de pluie mais pas trop : tout est là pour permettre à la vigne et aux raisins d’évoluer dans les meilleures conditions. L’été chaud mais pas caniculaire permet aux baies de mûrir lentement et efficacement, et les faibles pluies de septembre terminent le travail juste avant les vendanges.
On découvre alors des vins intenses en fruit, bien équilibrés, tout en élégance. La richesse est contrebalancée par une très grande fraîcheur et on devine aisément dès le début l’immense potentiel de garde.
2000, pas de bug
De cette année charnière pour le monde contemporain, nous retiendrons que tout s’est bien déroulé à 00h01 le 1er janvier, et que les vins rouges de Bordeaux de ce millésime entrent dans la légende. Bien que plus hétérogène sur la rive droite (Saint-Emilion, Pomerol) que sur la rive gauche (Médoc, Graves), 2000 est un millésime remarquable.
On retrouve dans ces vins (en tout cas à l’époque) l’ensemble des caractéristiques qui font les grands vins : une couleur attrayante et profonde, des arômes concentrés, des tanins mûrs et une acidité maîtrisée.
Pourtant, la fin des années 90 n’a pas toujours apporté son lot de bonnes nouvelles, et le millésime 2000 restait incertain après au moins trois années de millésimes médiocres. Grand bien nous fasse, la météo de la deuxième moitié de l’année surprend tout le monde, et permet d’obtenir les plus beaux vins de la décennie.
© Photo : Vignobles Bardet