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Bernard Magrez a débuté comme simple coursier. Propriétaire de quarante châteaux, il est aujourd’hui le seul à posséder quatre grands crus classés dans les plus belles appellations de Bordeaux. Rencontre avec un homme qui a obtenu un 100/100 de Parker.
Rencontre avec Bernard Magrez au Château Pape Clément pendant les Primeurs 2016
Avez-vous ressenti le Bordeaux Bashing ?
Bernard Magrez : Il est sûr que les raisons du Bordeaux Bashing, selon moi, c’est d’abord de voir des prix à Bordeaux, suivant les millésimes, qui montent, qui descendent, qui montent, qui descendent. Aujourd’hui, l’amateur de vin ne veut plus ça. Et à Bordeaux, il nous le fait payer. La capacité d’avoir des vins au même prix que les grands Bordeaux dans le monde, avec des prix réguliers, et pas cette espèce d’autosatisfaction des bordelais qui pensent qu’à Bordeaux il n’y a que des bons vins et qu’ailleurs il n’y en a pas, ce qui est faux. Ce sont des vins d’une typicité différente, mais qui donnent des émotions aussi belles qu’à Bordeaux. C’est pour cela que j’ai des vignobles dans 8 pays. Je vois venir lourdement cette part de marché des vins de Bordeaux qui se réduit au profit des vins étrangers de belle qualité.
Parmi vos multiples domaines, avez-vous une préférence pour l’un d’entre eux ?
Bon alors on va dépasser Bordeaux, et cela va vous étonner mais j’ai un vignoble inconnu en Uruguay, au nord du pays, du côté atlantique et par définition au sud du Brésil atlantique. Là, il y a des cépages extraordinaires, qui permettent de faire des vins avec de plus en plus d’élégance. Les gens recherchent l’étonnant. Dans votre montre, dans vos chaussures, dans votre chemise, c’est fini le gars qui portait la même chemise ou le même dessin. Dans les voitures aussi, c’est fini ! Si Monsieur Renault, pour la même Clio, fait 10 modèles différents, ce n’est pas pour rien, c’est pour les vendre. Et nous dans le vin c’est pareil. Celui qui oublie ça, est à côté, à mon avis.
Considérez-vous que les Primeurs restent un atout pour les vins de Bordeaux ?
Oui c’est un atout au niveau de la communication, et puis c’est un atout très positif pour le viticulteur dans la mesure où il est payé bien avant qu’il ne mette son vin en vente. Et ça le monde entier le souhaite ! Moi je connais des très très très grands en Italie et en Espagne, parce que les vins sont déjà d’une très très grande qualité en Espagne, qui rêvent d’être distribués par les négociants de Bordeaux. C’est le complément des Primeurs : les Primeurs, ça éclaire la région Bordeaux.
Quels sont les experts, de la presse, ou d’ailleurs, qu’il faut écouter ?
Tout a changé aujourd’hui, il y a les blogueurs, et beaucoup d’autres supports, je parle pour les grands vins, et nous considérons qu’à terme les blogueurs auront une influence importante car ils n’ont aucun ou peu d’intérêts. Bien sûr il y a toujours des blogueurs payés par le viticulteur. Je n’en connais pas personnellement, la plupart des blogueurs que je connais ne vivent pas de grand chose. Mais pour moi, le blogueur, c’est TripAdvisor. On travaille beaucoup avec des blogueurs. J’en ai reçu 9 pour goûter des vins à Val d’Isère, et ils ont goûté tranquillement, en dehors de chez eux, en dehors des préoccupations, c’est là où on est le plus vif pour juger, à mon avis. Après je peux me tromper, mais moi c’est mon cas. Qu’est-ce qui fait avancer un produit subjectif ? C’est que, au profit de ce produit, il y a des influenceurs. Qui sont les influenceurs ? Le print, les sites, les blogueurs, la communication traditionnelle hors print. Nous sommes un métier où l’on doit être honnête vis-à-vis de l’amateur de vin qui nous suit, et où tout traduit notre propre émotion, et c’est pour moi le cas du blogueur. Tout change aujourd’hui.
Qu’est-ce que vous pensez du millésime 2016 ?
Il y a eu un début d’année difficile, et puis une fin d’année, notamment les mois d’août, septembre et octobre, qui ont été extraordinaires, on a donc vendangé très tard, comme beaucoup d’ailleurs. Certains le comparent à 2010, d’autres disent que c’est meilleur que 2015, en tout cas ce sera un excellent millésime. Je veux bien croire les génies, mais tout le monde n’est pas un génie et tout le monde veut parler. Je suis d’une région où on aime parler, les Gascons.