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Dans le monde du vin, peu de sujets sont aussi controversés que la biodynamie. Cette philosophie clive professionnels comme amateurs. Science occulte pour certains, nécessité pour d’autres, elle connaît toutefois un fort essor dans le monde entier et a été adoptée par certains des plus grands domaines au monde.
Qu’est-ce que la biodynamie ?
La biodynamie ne se limite pas au vin, c’est un mode d’agriculture théorisé par Rudolf Steiner, un philosophe autrichien, dans son Cours aux Agriculteurs. Son principe de base est que l’Homme évolue dans un écosystème vivant, la Terre, et n’en est pas au centre. La biodynamie se divise en trois temps bien distincts qui s’ajoutent à la logique agronomique classique (travail des sols, rotation de cultures…) : penser la structure agricole comme un organisme autonome, utiliser les préparations biodynamiques et tenir compte des rythmes cosmiques.
Les préparations biodynamiques servent de substituts aux produits phytosanitaires traditionnellement utilisés. Parmi leurs composants, on retrouve la bouse de vache, le quartz, le silice, l’achillée millefeuille ou encore le compost de bouse. Certaines sont préparées en tisanes et épandues dans les vignes, d’autres sont fourrées dans des cornes de vaches puis enterrées dans les vignes. Leur rôle serait de renforcer le système immunitaire de la vigne. Et, bien que l’on n’ait pas de preuves scientifiques, l’expérience semble confirmer les vertus des préparations biodynamiques.
Le respect des cycles cosmiques correspond quant à lui à fonder toute action sur la vigne ou sur le vin sur le calendrier des astres, au premier rang desquels, la lune. Le calendrier lunaire distingue quatre types de jours : racine, feuille, fleur et fruit. On plante alors les vignes en jour racine, on taille en jour feuille et on vendange en jour fruit. Cela aurait pour impact de créer une réelle harmonie entre le vin et l’écosystème. De même, un vin biodynamique ne se déguste pas en jour racine.
La biodynamie va donc bien plus loin que l’agriculture biologique, que ce soit dans les restrictions imposées au domaine, que dans sa philosophie. On est ici dans une approche globale du domaine qui suppose de prendre en compte l’ensemble des êtres vivants et plus seulement la vigne. Deux labels certifient la biodynamie : Demeter et Biodyvin. En plus du respect des principes biodynamistes, ils garantissent qu’aucun intrant chimique n’est ajouté au vin à l’exception de quelques milligrammes de soufre (en dose encore plus faible que dans les vins biologiques).
Science occulte contre expérience empirique
Vous l’aurez compris, la biodynamie se rapproche plus de l’ésotérisme que d’une science crédible. Rudolf Steiner n’était pas agronome mais bien philosophe, il s’est inspiré de Goethe plus que des scientifiques lorsqu’il a écrit la Cours aux Agriculteurs, dans lequel il défend que la biodynamie permettrait d’entrer en contact avec des créatures mythiques comme les gnomes ou les salamandres.
Remettons toutefois l’œuvre de Steiner dans son contexte historique : les années 1920 dans les pays germaniques. Il s’agit donc pour lui de concevoir le vivant d’une manière opposée aux horreurs de la guerre. En France, elle se développe dans un contexte assez similaire. Dans les années 1950, elle fait son entrée dans les fermes céréalières pour s’opposer à la mécanisation et à l’utilisation de produits chimiques. Elle passe ensuite dans le vignoble grâce à des figures comme Eugène Meyer en Alsace et Nicolas Joly en Loire.
Très proche des écrits de Steiner au début, les biodynamistes s’en sont progressivement éloignés. Aujourd’hui, plus question de dogmatismes en biodynamie puisque la plupart des domaines se fondent plus sur leur expérience empirique que sur les écrits du Cours aux Agriculteurs. Chacun prend ce qui lui convient dans le modèle. Malgré les divergences entre les différents vignerons, on a une certitude : la biodynamie permet de restaurer un certain équilibre entre le vivant et les sols, et cela permet à la vigne d’exprimer une image plus proche de son terroir que tout autre mode de culture.
Les scientifiques sont, quant à eux, partagés sur le sujet. Alors que l’on ne trouve aucun fondement scientifique dans la plupart des pratiques scientifiques, la qualité des sols en biodynamie est de 15 à 20% supérieure à la qualité des sols en agriculture biologique, elle-même de 15 à 20% supérieure à la qualité des sols en agriculture conventionnelle. Aucun doute, la biodynamie favorise la vie microbienne dans les sols. Pas d’épuisement des terres agricoles donc et la garantie d’une certaine osmose entre l’Homme, ses plantations et les microorganismes.
Quel impact ?
Le premier impact de la biodynamie est donc assez proche de l’agriculture biologique : une agriculture plus durable et meilleure pour la santé puisqu’elle est sans produits chimiques. Précisons d’ailleurs que la biodynamie permet de dire adieu aux maux de tête du lendemain de soirée grâce à la quasi-absence de sulfites. Une question se pose par contre d’un point de vue agronomique, quel sera l’impact à long terme de la dynamisation des sols ? En effet, les préparations biodynamiques s’apparentent presque à des dopants naturels. On est donc en droit de se demander quel en sera l’effet dans 10, 50 ou 100 ans.
Pour le consommateur, la biodynamie n’est pas nécessairement synonyme de vins plus chers. En effet, à qualité égales, les vins biodynamiques et les vins conventionnels seront plus ou moins au même prix. La principale différence est que peu de bas de gamme sont produits en biodynamie. C’est une pratique qui ne peut se combiner avec une production de masse alors que la production de masse est le modèle économique des vins d’entrée de gamme.
Au niveau de la dégustation, les premières expériences de la biodynamie peuvent être déroutantes puisque les vins expriment une image fidèle de leurs terroirs. On va donc à l’encontre des goûts standardisés que l’on retrouve dans les vins conventionnels. Il faut alors une pédagogie de la biodynamie pour que le consommateur comprenne son vin. Ce cap passé, c’est un tout nouvel univers œnologique qui s’ouvre à lui, des vins plus diversifiés et, sous réserve d’un travail sérieux de la part du vigneron, de meilleure qualité.