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Thibaud, 26 ans
Île-de-france
J’étais jeune, découvrant à peine le vin. Lors d’un déplacement professionnel, mon patron a pris le soin de choisir la bouteille en ajoutant « ce n’est vraiment pas raisonnable… ». Je n’en savais pas plus. Un peu plus tard, le serveur nous a rapporté la commande. La bouteille en elle-même était belle : l’opercule bleu nuit la rendait majestueuse, le sceau assorti sur son étiquette détonnait. Et ces quelques lettres dorées, compliquées à assembler au premier coup d’oeil : SASSICAIA, la rendait mystérieuse.
Une fois débouchée, le serveur déposa la bouteille, la laissant s’aérer le temps que nous terminions nos apéritifs. Il revint pour nous le faire goûter, il était parfait. J’étais sur le point de boire le vin le plus cher de ma jeune vie. J’ai attrapé le verre de vin par son long pied, l’ai fait tourner dans le verre, par mimétisme, puis l’ai porté à mon nez : je ne rigolais plus du tout. Des odeurs que je n’avais jamais senties ailleurs. Je n’osais le goûter. Et je venais de découvrir le délice du « nez » d’un vin. L’ambiance particulière de la soirée rendait ce moment encore plus surprenant. Intense. Unique.
Sur les bords du verre, il laissait de larges traces. Les fameuses « jambes ». J’ai fini par porter le verre à mes lèvres et fait glisser le vin dans ma bouche. Une petite gorgée. La première. Je l’ai remuée en bouche, puis l’ai avalée. Il a laissé un goût fort, boisé. J’étais conquis. J’en voulais encore. Ce Sassicaia 2009, du Château Bolgheri, en Toscane, Italie, m’a laissé une marque indélébile, premier grand vin que j’ai goûté et déclencheur de ma passion.
Sophie, 47 ans
Bretagne
J’étais jeune, j’avais 15 ans, c’était fin août et c’est étrange, quand je réfléchis à cette question, tout de suite me vient l’image de l’escapade d’Augustin dans le Grand Meaulnes. J’étais sur le retour d’une colonie au Portugal, nous nous sommes arrêtés dans un domaine du Sud de Bordeaux, un vignoble de Graves. J’ai appris que le nom de «Graves» était lié à la nature du sol (graviers) et qu’il permettait de sortir un vin réputé. C’est la première fois que je découvrais une cave de vigneron, sombre, froide, avec de fortes odeurs de raisins. On aurait dit que l’on pénétrait dans un sanctuaire. Le propriétaire nous a sorti un vin vieux de plus de 20 ans comme on sort un bijou de son écrin et nous l’avait fait gouté. C’est à partir de ce jour que j’ai compris que le vin recelait beaucoup de mystère et qu’il fallait le tenir en respect.
Philippe, 62 ans
Bourgogne-Franche-Comté
Ça remonte à l’an 1979. Alors étudiant à Marseille, ma connaissance dans les vins de qualité s’arrêtait aux petits Côtes-du-Rhône. Ayant accompagné un ami chez ses parents dans la région d’Amiens, un Chambolles-Musigny nous fut servi à table. Je ne saurais vous préciser le millésime ni si c’était une appellation village ou un 1er Crû. En tous cas, ce fut LA révélation ! Ces parfums suaves, cette explosion de saveurs délicates et fleuries, cette complexité aromatique m’ont convaincu immédiatement que l’Univers du Vin devait à tout prix être très sérieusement exploré. Je m’y emploie donc très assidûment depuis près de 40 ans. Enfin, pour être complet, je garde un souvenir formidable et à ce jour inégalé des Bourgogne du Millésime 1976.