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On constate un changement de fond de la filière agricole depuis quelques années, cela va d’une prise de conscience environnementale à une recherche de meilleurs produits en passant par une compréhension plus fine de la notion de terroir. Le monde du vin est au premier rang de cette révolution et nombre de domaines cherchent à élaborer des vins différents du standard : bio, biodynamie, nature mais aussi orange. Ce sont des mots que l’on entend de plus en plus couramment lorsque l’on rend visite à son caviste. Concentrons-nous aujourd’hui sur les vins oranges qui sont peut-être les vins plus surprenants que l’on puisse trouver.
L’innovation par le retour à l’Antiquité
Mais qu’est-ce que le vin orange ? Il nous arrive d’entendre ce mot lors de reportage du journal de 20h mais on en ressort souvent avec plus de questions que de réponses. Le vin orange, c’est le premier vin produit au monde. Remontons donc à sa naissance, il y a quelques 8 000 ans de ça en Géorgie. Les agriculteurs mettent des raisins blancs dans de grandes jarres en argile, les kveris, et foulent les baies. Une macération lente commence alors et le jus se pare progressivement d’une robe orangée. Parallèlement, les levures indigènes, c’est-à-dire les levures naturellement présentes dans la peau des baies non traitées, déclenchent une fermentation alcoolique et transforment les sucres du raisin en alcool.
Le principe est donc de laisser le moût (i.e. jus, peaux, pépins…) macérer longtemps pour avoir un vin ni rouge, ni blanc, mais bien orange. Pour faire simple, c’est comme si on avait un vin blanc vinifié comme un vin rouge. Depuis quelques années, on redécouvre ce mode de vinification, principalement dans le bassin méditerranéen (France, Italie, Espagne, Grèce) ainsi qu’en Géorgie et en Arménie où on ne l’a jamais vraiment abandonné. On réalise encore du vin orange en jarre mais on utilise aussi des cuves inox, des barriques de bois ou encore des amphores. On est donc bien en présence d’un équilibre entre l’antique et l’ultra-moderne, une sorte de Renaissance du vin comme on a pu connaître une Renaissance des arts.
Un résultat bluffant
Grâce à sa vinification hybride, le vin orange a la structure tannique d’un vin rouge et la légèreté d’un vin blanc, le tout dans une robe hors norme. Grâce à sa longue fermentation, tous les sucres sont transformés en alcool d’où un vin sec. De même, l’acidité est gommée par le temps mais laisse derrière elle toute la fraîcheur nécessaire à rendre le vin digeste.
Le maître mot lorsque l’on déguste un vin orange pour la première fois est de se détacher de tous ses aprioris sur le vin, l’expérience risque sinon d’être au mieux, frustrante, au pire peu agréable. Être prêt à se laisser dérouter donc, il peut d’ailleurs être amusant de le servir dans des verres opaques, sans que vos convives ne sachent ce qu’ils ont dans le verre.
Au premier contact, il y a de quoi être surpris car la robe du vin n’est pas d’un orange vif mais plutôt ocre. Le reste dépend énormément du terroir et des cépages plantés. On retrouve aujourd’hui le vin orange aux quatre coins du vignoble français, de l’Alsace au Languedoc Roussillon, en passant par le Rhône et la Loire – Bordeaux et la Bourgogne restent tout de même dans le carcan des vins traditionnels.
On se laissera volontiers tenter par les notes de pétales de roses séchées, de gingembre confit, de thé au jasmin ou encore de figues séchées, des vins oranges d’Alsace. Le tout avec une jolie amertume en fin de bouche et une certaine rondeur qui lui donne de la mâche. On peut facilement imaginer servir sur un potimarron rôti aux épices et au beurre.
Côté Loire, c’est le Chenin qui est la star des vins oranges. Avec son aromatique d’écorces d’agrumes, de pommes séchées et de coing frais, il viendra apporter un peu de fraîcheur à un curry doux indien ou à vos plateaux de fromages.
Dans le Sud, les assemblages de Roussanne, Chardonnay, Rolle ou encore Muscat sont tout aussi intéressants à la dégustation. Les arômes de fruits jaunes et d’agrumes confits et de fleurs séchées, se complimentent pour le plus grand plaisir des papilles et laissent place à une finale saline. On peut se laisser aller du côté d’une cuisine méditerranéenne avec, par exemple, un aïoli ou une plancha de gambas et fruits de mer.
Plus qu’une simple mode ?
Les vins oranges répondent à une demande croissante de renouveau de la filière viticole où les amateurs sont à la recherche de vins qui sortent du classicisme et du conventionnel. Bien souvent associés à une viticulture biologique, voire biodynamique, ces vins sont donc parfaitement adaptés aux consommateurs de demain et se trouvent même une place sur les plus grandes tables du monde.