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L’interview
Cécile Zarokian est « nez ». Elle nous raconte son parcours, des maisons de parfums aux Châteaux de Bordeaux.
En quelques mots, pourriez-vous nous expliquer ce qu’est un nez ?
On emploie plus souvent le terme de parfumeur, voire parfois “parfumeur-créateur” pour parler de ce métier ; le mot “nez” est un peu réducteur et pas tout à fait juste puisqu’un parfumeur compose plus avec sa tête qu’avec son nez ! Un parfumeur c’est une personne qui a appris à sentir des matières premières et à les assembler. Il faut assez de créativité et de rigueur pour répondre au brief des maisons de parfum et ne pas avoir peur du travail !
Comment est née votre passion pour l’univers du parfum ? Quel a été votre parcours ?
J’ai toujours été sensible aux odeurs en général, pas que les parfums, mais je ne l’avais jamais envisagé comme un futur métier ! Je m’étais engagée dans une autre carrière, puis j’ai entendu parler de l’ISIPCA, une célèbre école de parfumerie créée par Guerlain. J’ai passé le concours et j’ai ainsi changé de voie ! J’ai été formée 4 ans en alternance à la Maison de composition Robertet et j’y ai signé mon premier parfum (Epic Woman, Amouage). Enfin, j’ai créé ma propre entreprise en 2011.
Dans votre travail, les mauvaises odeurs, vous y faites face comment ?
Il n’y a pas de “mauvaises” odeurs stricto sensu, seulement des odeurs intéressantes, et plus ou moins utiles ! Prenez par exemple l’indole, c’est une matière première qui déplaît en général, elle est très animale (voire fécale) et pourtant sans elle vous ne pourriez pas profiter de l’odeur du jasmin !
Vous travaillez également dans les vins et spiritueux. En quoi consiste votre travail dans ce secteur ?
Je crée pour des marques des identités olfactives, comme un logo olfactif, qui peut être inspiré de plusieurs caractéristiques : ce qui est propre au spiritueux lui-même (odeur, composants), certaines spécificités de son pays d’origine et/ou de sa fabrication, son histoire et ses valeurs. Je peux également adapter la fragrance signature en edible scent (parfum comestible).
Comment collaborez-vous avec les Châteaux ?
J’ai par exemple créé un coffret qui reprend certaines notes caractéristiques du vin d’un château. Une manière originale de faire découvrir l’univers sensoriel du domaine. Je peux également créer l’identité olfactive du Château en m’inspirant de différents éléments, que ce soit sur les notes de son vin ou le terroir/la région concernée et son histoire, les valeurs sur lesquelles le Château souhaite communiquer. Des ateliers découvertes / DIY workshops pour découvrir, manipuler les odeurs et créer une senteur sont aussi réalisables.
Avez-vous le souvenir d’un vin au nez exceptionnel ?
Un vigneron m’a fait sentir un vin rouge bluffant qui, à l’aveugle, semblait vraiment être un vin blanc ! Il s’en dégageait des notes de fruits à chair blanche et des notes minérales tout à fait surprenantes !
Lors d’une dégustation de vin, il est courant que les dégustateurs sentent des arômes différents. Comment expliquer cette subjectivité des arômes ?
Nous sentons tous différemment ! L’odorat est le sens le plus lié aux émotions et aux souvenirs. Le sens de l’odorat se forge en fonction de l’expérience, et les évocations liées aux odeurs sont donc toutes différentes pour chacun. Pas étonnant, donc, qu’il y ait des divergences. De plus, nous ne sommes pas éduqués de ce point de vue, nous n’apprenons pas de langage commun à tous pour exprimer les odeurs et les goûts. Aussi, il se peut que deux personnes sentent la même chose, mais l’expriment différemment !
Vous a-t-on déjà demandé de créer un parfum à partir du nez d’un vin ?
On part du nez du vin, mais on élargit à d’autres choses qui constituent son identité propre afin de concevoir un parfum… Sinon pas sûr que ce soit plaisant à porter sur soi !
Propos recueillis par Chloé Sauvalle