Peu connu dans l’Hexagone, ce cépage noir issu du Béarn, fait fureur en Amérique du Sud où les vignerons du Sud-Ouest de la France l’on exporté à la fin du XIXème siècle.
L’essence du Béarn en un cépage :
Ce n’est pas un hasard si le Tannat et le Malbec sont les deux principaux cépages du vignoble du Sud-Ouest de la France : ils sont tous deux issus de la même famille et donnent des vins ayant une identité très forte, à l’image de leurs vignerons.
Comme son nom l’indique, le Tannat est un cépage à la structure tannique riche et qui donne, dans la plupart des cas, des vins puissants et reconnaissables. La richesse phénolique de ses baies – i.e. la contenance en tanin, est en moyenne deux fois plus élevée que dans la plupart des autres cépages !
En France, c’est d’abord l’appellation de Madiran, entre Pau et Agen, que l’on retrouve le Tannat. Majoritaire dans les assemblages – a minima 40% d’après le cahier des charges de l’appellation, il n’est toutefois pas rare qu’il soit vinifié en monocépage, c’est-à-dire sans ajout de jus d’autres variétés. Sous le soleil du Béarn, il donne des vins très puissants qui demandent quelques années de garde avant de montrer tout leur potentiel.
Dans le verre, on retrouve alors tout ce que l’on est en droit d’attendre d’un vin du Sud-Ouest. Tout d’abord, une robe très foncée, voire noire, qui n’est pas sans rappeler les vins de Cahors, cru voisin produisant avec une majorité de Malbec. Ensuite, en termes d’aromatiques, on va être face à un vrai flashback en enfance, à la fin de l’été, quand grand-mère préparait les pots de confitures de fruits : la mûre, la myrtille, la fraise des bois, tous se rencontrent dans la plus grande harmonie, pour le plus grand plaisir des sens. En plus de cela, on retrouve aussi le côté pimenté de la vie dans le Sud-Ouest, on irait même jusqu’à parler de piment d’Espelette pour rester dans cet univers ensoleillé. Marqueur de grands vins de garde, Madiran saura aussi conserver une trame acidulée qui viendra contrebalancer sa structure.
Avec l’âge, on perdra toutefois cette acidité et la structure du tanin deviendra petit à petit aussi douce que du velours. Cela prépare le chemin pour un bond de complexité aromatique dans le vin : le gibier, le sous-bois, les champignons, de quoi rappeler une sortie automnale en forêt !
Alors que faire de Madiran ? La clef, rester proche de son terroir : le canard, roi dans le Sud Ouest, se mariera à merveille avec votre vin. Un bon magret grillé au feu de bois saura apporter toute la puissance et le gras nécessaire à équilibrer la virilité contenue dans votre verre. Avec l’âge, n’hésitez pas à partir sur des mets plus fins, comme un pigeon rôti sur le coffre qui saura replacer le vin dans son univers forestier.
Un cépage international
Nous avons jusqu’à présent beaucoup parler du Tannat à Madiran, mais, alors que tout Madiran sera à base de Tannat, l’inverse n’en est pas pour autant vrai ! On retrouve déjà le cépage dans tout le Sud-Ouest de la France, du Pays Basque aux portes de Toulouse. Qu’il soit majoritaire, il se fait toujours remarquer par la puissance et la structure qu’il apporte au vin.
Mais, c’est à l’étranger que le Tannat a connu son plus grand succès. Alors que la vigne se mondialise à la fin du XIXème siècle, certains producteurs du Béarn décident de se lancer dans une nouvelle aventure en développant les vignobles sud-américains, notamment au Chili, en Argentine ou en Uruguay. La tradition voudrait que ce soit le basque Pascual Harriague qui ait introduit le cépage dans le nouveau monde.
Ces vignobles situés sur des latitudes semblables à celles du Sud-Ouest sont remarquablement bien adaptés pour le Tannat. On peut d’ailleurs comparer le vignoble argentin à Cahors puisque le Malbec y est dominant tandis que l’Uruguay se veut plus proche de Madiran avec sa majorité de Tannat.
Dans sa majeure partie, la production uruguayenne se concentre sur la production de vins dits, de cépages, c’est-à-dire qu’ils vont refléter l’identité du Tannat plus que celle du terroir. On est donc loin de Madiran où le vin sent presque le piment d’Espelette et appelle à partir aux ferias. On est sur des produits plus sur la gourmandise que sur la complexité, des vins de « copains » en somme, très agréables mais qui n’ont pas encore le niveau de leurs ancêtres européens. On retrouve donc à l’international cette puissance inhérente au Tannat et ce côté confiture de fruits rouges qui nous plait tant à Madiran, mais, dans beaucoup de cas, il nous manque ce petit quelque chose qui nous bluffe et nous transporte sur un petit nuage.