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Michel-Jack Chasseuil, le « Van Gogh du vin », s’est confié à nous, entre deux quêtes de flacons rares. C’est chez lui, dans un petit village des Deux-Sèvres, que se cache son trésor : plus de 41 000 bouteilles, les plus grands et rarissimes crus du monde dont le plus vieux millésime est 1805.
Twil : Quelle est votre histoire avec le vin ?
Michel-Jack Chasseuil : J’ai toujours été un grand collectionneur (timbres, voitures anciennes…). Mes premiers amours pour les belles bouteilles remontent à l’époque de mon grand-père. Il était maquignon et ramenait régulièrement à la famille des barriques de vins. Avec 50 bouteilles par an, mes parents se sont constitués leur propre cave puis j’ai commencé à en prendre quelques-unes pour composer la mienne. C’est ensuite grâce au service militaire et à ma carrière chez Dassault que j’ai vraiment découvert et appris à apprécier le goût, mais surtout la valeur des vins. Je dégustais de beaux flacons à l’occasion de rencontres professionnelles. Puis, avec mes premières primes, j’ai commencé à en acheter. Mais je n’imaginais pas un seul instant que cette entreprise prendrait une telle ampleur. Au début, investir dans le vin ne représentait que 3 francs 6 sous. Imaginez, à l’époque on trouvait des Pétrus à 50 francs, maintenant le millésime 2010 vaut 2000€.
Comment avez-vous pu constituer cette cave inestimable ?
C’est un concours de circonstances. J’avais une petite cave en 1970 de 300 ou 400 bouteilles. C’est grâce à mes expériences que j’ai vu que le vin prenait de la valeur. Quand j’ai pris ma retraite à 47 ans, j’ai choisi d’investir dans le vin. J’ai pris cette décision au bon moment. Entre 2000 et 2010, la valeur du vin a été multipliée par mille, entre l’arrivée d’internet, le passage à l’euro et le « Messie » Parker ! C’est un peu comme Van Gogh, à l’époque il payait les gens avec ses toiles qui ne valaient pas grand-chose. Voyez maintenant…
Quels conseils donneriez-vous à un twileur qui souhaiterait investir en se constituant une cave ?
J’ai peur qu’il soit trop tard pour spéculer. Aujourd’hui, vous pourrez plus facilement investir dans des vins de Bordeaux ou de la vallée du Rhône qui ne sont pas encore trop chers. Pour les vins de Bourgogne, ils sont maintenant considérés comme rares et donc presque inaccessibles. Ou alors, il faut miser sur de nouveaux viticulteurs de la région, des révélations , qui deviendront à leur tour des légendes.
Avez-vous une anecdote à nous confier ?
Sur les 30 dernières années, si je devais en choisir une, ce serait celle de mes bouteilles du vin de Constantia (Afrique du Sud). C’est sans doute l’un des vins mythiques les plus méconnus. À l’époque il était considéré comme l’un des meilleurs. Et c’était le préféré de Napoléon, qui le consommait quotidiennement lors de son exil sur l’île de Sainte-Hélène. Le hasard a fait que, au fil de mes rencontres, à Saint-Maixent, juste à côté de chez moi, j’ai découvert dans une vieille armoire encastrée 3 bouteilles de Contantia 1985, qui avait été cachées là pendant la guerre. Moi qui sillonne le monde à l’affût des trésors perdus de notre passé vinicole, il m’a suffi d’aller dans la ville d’à côté pour trouver une des plus belles pièces de ma collection. Chaque bouteille a son histoire, entre celles de la cave d’Alain Delon en passant par une bouteille de Marie-Brizard du Titanic, il y a tant à raconter.
Quel est votre dernier vin coup de cœur ?
Sans hésiter, un Cros Parantoux en Vosne-Romanée (Bourgogne) que m’avait offert Emmanuel Rouget. Je l’ai dégusté à l’occasion des dernières vendanges du Château Feytit-Clinet (Pomerol) avec mon fils, qui en est le propriétaire.
Quels sont vos projets pour la suite ?
Je voudrais créer le Conservatoire International de la Vigne, qui rassemblerait tout ce qui est rare autour du vin et des spiritueux. J’ai déjà les plans, mais je ne peux pas vous dire quand ce projet aboutira. Je veux faire connaître ma cave, elle me survivra. Je veux rendre ma collection accessible à tous parce que c’est la collection de toute une vie mais surtout de tout un siècle.